Improviser c'est aussi composer dans l'instant...

L'improvisation a toujours été une priorité dans mon travail de musicien. Elle est une forme de composition. Composition instantanée, mais composition. Michel Portal, grand clarinettiste français, dans un entretien avec Michel Levaillant disait « L'improvisation est une technique de composition. (…) c'est une méthode de recherche dans la mesure où j'ai constaté que cette pratique, plus qu'une autre favorise la déstabilisation des codes».
J'adhère aux propos de Portal. Lorsque j'improvise, je m'inscris en tant que compositeur de l'instant. L'urgence, le lien avec l'immédiat, le son du lieu, les autres acteurs qui m'accompagnent et la prise de risques constante sont mes partitions, mes crayons. Ces éléments modèlent une expression instable, qui change en fonction de la qualité des acoustiques, des personnes impliquées, du moment et s'ouvrent à la diversité en bannissant le code ressassé, « la répétition », le cliché convenu, le confort de la mélodie que tout le monde connaît et qui rassure. Dans les expressions « improvisation libre » ou « musique libre » c'est le libre de la liberté que l'on prend qui est vital. L'assumer, le défendre c'est une façon de montrer aux autres que prendre sa liberté est chose possible.

Pour moi, le travail sur la vibration en interaction avec un environnement architectural et d'autres disciplines artistiques est au centre de ma démarche de compositeur et de musicien depuis plus de 10 ans. Par exemple, mettre en son l'Abbatiale de Bellelay en interaction avec la peinture de Jean-François Comment et les danses de « la Compagnie du Quotidien ». Remplir de musique une des gorges du Doubs et par là, animer une sculpture de Denis Schneider installée sur le site de l'usine électrique du Châtelot. Faire redécouvrir de vieux films muets avec « Trialogie fait Son Ciné ».

Pierre Eggimann